Pour ceux qui ont de l’imagination, ils se sont certainement représentés la scène où, dans l’Evangile, Jésus regarde les riches comme les pauvres mettre leur offrande dans le tronc. Pour ma part, en méditant ce texte, j’imaginais monsieur le curé assis dans les bas côtés, occupé à observer les fidèles en train de mettre leur offrande dans les troncs et de faire leurs dévotions dans l’église...
Au delà du voyeurisme que peu constituer une telle pratique, elle nous donne de voir que le don est en étroite connexion avec la foi, la dévotion des fidèles. En effet, le don authentique est lié aux trois vertus théologales, à savoir la charité, la foi et l’espérance.
Le véritable don est fait par amour et avec amour,
Le véritable don est acte de foi,
Le véritable don ouvre à l’espérance.
Amour
Souvent, ce qui pose problème lorsque l’on veut donner ou se donner, c’est que l’on veut être sûr d’avoir quelque chose en retour, et de pouvoir en tirer profit pour nous-mêmes. Mais si l’on regarde le don du Christ, il n’a pas attendu d’être sûr que ses disciples lui rendraient le change pour s’offrir pour eux et pour nous sur le bois de la croix ! Quel profit le Christ tire-t’il de cette offrande, si ce n’est la glorification de son Père ? Pour nous il en va de même, notre don ne doit pas chercher à honorer quelqu’un d’autre que Dieu que nous servons en servant un pauvre.
Frères et sœurs, celui qui donne par amour, ne cherche pas son profit mais le bonheur de l’autre. Regarder saint Martin, dont c’est la fête aujourd’hui, L’histoire raconte qu’il donna la moitié de son manteau à un pauvre en guenilles sur le bord de la route. Il n’a donné que la moitié de son manteau parce que, en tant que soldat romain, l’autre ne lui appartenait pas Voyez, il a donné toute sa part, tout ce qui lui appartenait.
Regardez aussi les époux chrétiens, ils se donnent l’un à l’autre dans l’acte conjugal avec tout ce qu’ils sont, poussés non par leur amour propre, mais par amour pour l’autre, avec le désir de s’offrir totalement.
Voyez encore cette veuve qui vient au temple, elle donne tout ce qu’elle a, elle ne donne pas son superflu mais tout son bien.
Voici un bel enseignement pour nous aujourd’hui. Lorsque l’on évalue le don que l’on va faire, il ne faut pas d’abord évaluer ce dont nous avons besoin pour savoir ensuite ce dont on peut se séparer. Non, il faut d’abord évaluer les besoins de l’autre, et ensuite, nous adapter à ce qui nous reste.
Le don par amour, ce n’est pas le vide grenier où chacun se débarrasse de ce qui l’encombre, mais c’est le lieu où l’homme considère l’autre avant de se préoccuper de lui même.
Foi
Lorsque l’on fait comme Jésus et que l’on regarde les gens mettre leur offrande dans le tronc et prendre ensuite une bougie, on est frappé par leur foi. Or, notre foi repose justement sur un don : Le don que Dieu fait à l’homme de son Fils unique, le Christ offert pour notre salut. Le don de Dieu, c’est le don de la vie éternelle, de la vie en communion avec lui.
Certes, vous me direz qu’il n’y a pas besoin d’avoir la foi pour donner. Des gens qui ne croient pas sont parfois bien plus généreux… Mais notre foi donne un sens à notre don, Elle nous décentre de nous-mêmes, de l’objet même du don, pour attirer nos regards sur le destinataire du don, sur l’amour et la beauté de celui de celui qui reçoit.
Le don dans la foi nous unit à Dieu qui par amour du genre humain a donné au monde son propre fils.
Le don dans la foi nous unit au Christ qui, par amour des pécheurs a donné sa vie sur la croix pour libérer l’homme du péché.
Voilà pourquoi le don fait avec amour et vécu dans la foi nous ouvre à l’espérance, parce qu’il nous unit plus intimement au Christ.
Le véritable don ouvre à l’espérance.
Lorsque Jésus donne sa vie sur la croix, il ne le fait pas avec l’espoir qu’il portera du fruit. « Aller, j’y vais, on verra bien si ça marche ! » Non ! le Christ sait qu’il en sortira vainqueur. Si le Christ est confiant, malgré l’angoisse de Gethsémani, c’est parce qu’il sait à quoi ouvre le don de sa vie, il sait que, traversant l’épreuve de la Passion, il sortira vivant du tombeau.
Voyez cette veuve de Sarepta, qui au temps de la famine obéit à l’ordre d’Elie. Comment une veuve, dans l’angoisse du lendemain, peut elle sacrifier le peu de nourriture qu’elle a pour elle et son fils, au bénéfice de cet homme qui passe ? Son acte est incohérent s’il n’est pas pensé à la lumière de la foi, s’il n’est pas ancré dans l’espérance que la parole du Seigneur s’accomplira : « Jarre de farine point ne s’épuisera, vase d’huile point ne se videra, jusqu’au jour où le Seigneur donnera la pluie pour arroser la terre. »Par le don de cette nourriture, la veuve s’ouvre à l’action de Dieu dans sa vie. Donner c’est reconnaître que c’est Dieu qui sauve, à condition que nous nous dépossédions de nous mêmes pour nous ouvrir à sa puissance.
Ainsi, le don ouvre à l’espérance, il est abandon, acte de confiance à la puissance de Dieu. De nouveau comme Jésus à Géthsémani, il nous faut pouvoir dire : « Non pas ce que je veux mais ce que tu veux. » Se dessaisir de ces biens et de soi mêmes, c’est en même temps de dessaisir de sa volonté afin de laisser Dieu agir en nos vies. Le don et l’abandon nous ouvrent déjà au royaume de Dieu où, comme le chante Marie dans son Magnificat : « Le Seigneur comble de biens les affamés, renvoie les riches mains vides. »
Frères et sœurs,
Les deux veuves que nous présentent les récits bibliques ne veulent pas nous dire qu’il faut donner plus à la quête ou au denier de l’Eglise, même si cela ne vous empêche pas de le faire, Mais elles nous invitent à vivre le don dans le mouvement des grâces reçues au jour de notre baptême :
donnons avec amour,
donnons avec foi,
donnons avec espérance. Amen.
homélie du 32 dimanche du Temps Ordinaire, B
Abbé Luc DENOYER